Dans un article du New York Times daté du 25 novembre 2003, Leslie Gelb, président honoraire du Council on Foreign Relations représentant l’aile dominante de la bureaucratie au sein du département d’État américain, préconisait de diviser l’Irak en trois États : kurde au nord, chiite au centre et au sud, sunnite à l’ouest. Concernant l’Arabie Saoudite le même Leslie Gelb proposait son démembrement avec la création d’un État sunnite au nord-est. Quant à Wesley Clark, ancien chef de l’OTAN au Kosovo, il a également déclaré en 2003 lors d’une conférence à l’Internationale Crisis Groupe à Paris que les plans d’attaques de la Syrie ont été préparés bien avant ceux de l’Irak et certains faucons de l’administration américaine de l’époque voulaient les mettre à exécution au lendemain de l’invasion de l’Irak. Mais pourquoi la Syrie est sur la liste noire des Etats-Unis, pourquoi cette haine pour un pays devenu ami des américains dans les années 1990?
Historiquement la Syrie est une terre de transition. Le plus important du transit commercial entre l’Europe et la Chine passait par ce pays. Politiquement, la Syrie était et est toujours au cœur du Monde Arabe. Elle a connu plusieurs régimes politiques dont l’aristocratie, la paysannerie, le socialisme radical et depuis les années soixante le Baasisme. La Syrie a toujours donné du fil à retorde aux occupants, et les français qui ont bombardé Damas en 1925 en savent quelque chose. À la fin des années soixante la société syrienne était dans un état pitoyable. Les défis étaient de taille et les moyens très réduits, même quasi inexistants. La communauté alaouite était littéralement soumise à la communauté sunnite, au point que les alouites étaient contraints de dissimuler leur foi ou de vendre leurs filles comme domestiques aux grands terriens sunnites. Il n y avait quasiment que l’armée comme issue professionnelle pour les jeunes alaouites, dont Hafez-Al-Assad suivra le chemin. En 1967 Hafez-Al-Assad devient ministre de la Défense, il encaisse la défaite de la guerre des six jours contre Israël, ce qui va marquer à jamais sa pensée politique ainsi que sa stratégie militaire. Son idée est d’éradiquer le plus possible l’expansion d’Israël au Moyen-Orient ce qui va coûté très cher à la Syrie. Il soutient la cause palestinienne, malgré sa méfiance de certains de ses chefs, il soutient les mouvements de résistance contre l’ennemi sioniste fondant l’axe du refus.
On reproche à Hafez-Al-Assad d’avoir bombardé la ville de Hama en 1982, mais on oublie que les Frères Musulmans ont commis des attaques terroristes un peu partout sur le territoire syrien. Personne ne se souvient que pendant trois ans, les Frères musulmans ont sévi en Syrie assassinant des femmes, des enfants, des élèves officiers à l’école d’Alep, des médecins, des chercheurs semant la terreur avec des voitures piégées. Aujourd’hui, l’histoire se répète ou plutôt continue, la lutte est la même, les enjeux sont les mêmes et les petits demeurés piégés par la propagande bourgeoise sioniste utilisant comme arme les médias de masses sont aussi les mêmes. Personne en France n’évoque ce que nous venons de relater, en revanche tout le monde s’accorde à évoquer l’attaque d’Hama, puisque le but est aussi d’erroner l’histoire, justifiant les actes commis par les terroristes qui servaient ni plus ni moins le projet américano-sioniste, mettant fin au rôle que jouait la Syrie dans la région à travers son soutien aux mouvements de la résistance. Que font-ils actuellement de Daesch et leurs confrères en Syrie ? Ne serait-ce pas les mêmes crimes qu’autrefois ? Le projet de diviser la Syrie, ainsi que le Moyen-Orient vient de très loin, la guerre actuelle n’a rien d’un soulèvement populaire, pour plus de liberté et de démocratie, cela n’est qu’une illusion et qu’un piège qui a été tendu à quelques uns qui ont rapidement rejoins leurs maisons après avoir compris la nature du guet-apens.
Qui peut prouver dans la machination actuelle depuis 5 ans que Bachar-Al-Assad est un dictateur ? Que savent réellement les français de ce qu’il se passe là bas, hormis les propos rapportés par les calomnieuses déguisées en journalistes ? Nous croyons qu’il est plus judicieux que chacun balaye devant sa porte.
Peut être un des torts de Bachar-Al-Assad est de ne pas être aussi brutal que son père, afin de garder cette posture de démocrate, pour répondre à certains standards imposés par les puissances occidentales-bourgeoises. Mais, ces pouvoirs occidentaux écoutent-ils, sentent-ils, évaluent-ils les aspirations de leurs peuples, comme ils le réclament aux autres considérés comme inférieurs. Au contraire ils se contrefichent de leurs peuples dont ils ne voient en eux que de simples vaches à lait, des consommateurs. Les puissances occidentales exigent de ceux qu’elles définissent comme dictateurs d’écouter leurs peuples, de faire des réformes. Mais en même temps, elles collaborent avec des pays où la démocratie et les Droits de l’Homme si chères à l’Occident sont inexistants, même impensables.
Bachar-Al-Assad voulait répondre à ce standard occidental, restant fidèle à son éducation anglaise, instaurant un dialogue national, des initiatives que les médias de masse ne mettent pas sur le devant de la scène, mais accuse l’armée régulière de tirer sur le peuple sous les ordres de Bachar-Al-Assad. Selon Eric Chevallier ambassadeur de France en Syrie à l’époque de la révolte : « Les syriens notamment la jeunesse qui a pu s’ouvrir plus au monde grâce au rôle joué par Bachar Al Assad aspirent à plus de démocratie, mais les syriens veulent des réformes profondes dans la douceur, appréciant la stabilité depuis Assad père qui a favorisé une économie, une création des richesses ainsi qu’une nette amélioration des conditions sociales, mais pas la révolution. »11 Certainement il y a eu des dérapages notamment dans les opérations que les soldats syriens ont menées contre les hommes armés. Mais, si le régime a vraiment demandé de tirer sur la foule, on aurait vu comme l’affirme M. Chevallier des désertions massives au sein de l’armée syrienne, ce qui n’est pas le cas.
Ceci est le cœur du problème, tous les autres facteurs sont malheureusement aussi importants, notamment les massacres perpétués, mais ils ne sont que les accessoires qui déguisent la raison fondamentale du conflit et de ce qui se joue en Syrie actuellement. Hafez-Al Assad ne voulait pas une guerre directe avec Israël malgré ses agressions continues sur le territoire syrien, mais une paix équitable, de ce fait il a initié une stratégie de dissuasion face à Israël dont le fer de lance était le Liban. Par sa stratégie, Assad père a évité que le Liban ne se mette sous la coupe israélienne, comme prévu lors de l’invasion de Beyrouth en 1982 par Tsahal et la collaboration étroite avec Béchir Gemayel chef des forces libanaises, milice chrétienne, devenu président de la république et assassiné avant sa prise de fonction. Hafez-Al-Assad est décédé en 2000 laissant derrière lui une Syrie relativement stable, une économie qui commence à s’ouvrir de plus en plus à l’extérieur, une vie interne meilleure pour le peuple notamment celui des campagnes. Cette émancipation ne plaisait pas aux ennemis de la Syrie.
D’autres conflits ont crée des ennemis à la Syrie, comme l’eau, avec le Tigre et l’Euphrate qu’elle doit partager avec la Turquie, et l’Irak et qui a pu dégénérer plusieurs fois en guerre régionale et a fini par trouver des arrangements demeurant précaires. En plus de ce conflit autour de l’eau, il y a celui du gaz et le refus de Bachar-Al-Assad d’adhérer au projet du gazoduc américano-quatari Nabucco qui devait passer par l’Arabie Saoudite, la Jordanie, la Syrie, la Turquie pour enfin ravitailler l’Europe, signant pour un autre gazoduc venant d’Iran, passant par l’Irak, la Syrie et le Liban, se raccordant au South stream gazoduc russe.
Aujourd’hui encore Bachar Al Assad paye son soutien aux mouvements de la résistance au Moyen-Orient dont le Hezbollah, première guérilla victorieuse sur Israël. Assad fils était prier d’abandonner son soutien au Hezbollah afin que la guerre cesse dans son pays, mais cette question de soutien aux résistants du Moyen-Orient contre l’expansion sioniste est une affaire idéologique initiée au temps d’Assad père, Pour Bachar-Al Assad, comme pour beaucoup au Moyen-Orient, Israël ne doit pas vaincre et la paix avec ce pays à défaut de gagner la guerre doit être équilibrée, sinon tous les pays arabes deviennent les esclaves des sionistes et de leurs alliés. N’est-ce pas le cas actuellement pour certains d’entre eux?
Un jour de printemps, la ville de Deraa à la frontière syro-jordanienne, ville d’une tradition démographiquement tribale, se réveille avec des gens dans les rues réclamant plus de liberté et de démocratie, quelque chose qui ne va pas dans ce tableau. La révolte se réveille dans une petite ville et non pas dans une grande ville développée comme Damas ou encore Alep. Des hommes armés dans les rues, attaquant les postes de polices, les militaires, les civils, des prêches dans des mosquées contre les alouites, les druzes et les chrétiens, mais les médias occidentaux ne parlaient que des manifestations pacifiques dont les participants tombent sous les balles d’un régime sanguinaire. Malgré les réformes concrètes engagées, le régime syrien a été surpris de ce soulèvement, tandis que dans les grandes villes des manifestations pro-Assad avaient eu lieu mais été passées sous silence par les médias de masse, enfin ce qui avait échoué trente ans en arrière allait être tenté de nouveau.
Les deux médias arabes Al Jazeera financé par le Quatar et Al Arabiya financée par l’Arabie Saoudite amplifiaient les événements, semant la haine et la zizanie au sein du peuple syrien. D’ailleurs plusieurs journalistes comme Walid Jeddo ont démissionné en protestation des nouvelles orientations politiques de ces deux grandes chaînes, relayées pas les médias occidentaux. Enfin, la secrétaire adjointe de la Défense américaine Michéle Flounroy affirmait en 2011 : « La solution de la crise en Syrie passe par la rupture de son alliance avec l’Iran, le Hezbollah, le Hamas, et son ralliement au bloc des pays du Golfe afin de faciliter la relance du processus de paix avec Israël. C’est ainsi que se calmeront la crise et la violence en Syrie. »22
Ceci est la raison de la guerre en Syrie. La demande d’abandonner la résistance a été faite à Assad père, mais pour ce dernier aucune concession n’était possible dans ce domaine afin d’avoir une Paix dans des conditions acceptables. Et voilà que trente ans après la même demande est formulée à Assad fils qui refuse catégoriquement pour les même raisons que son père. Cette guerre a comme seul et unique but qui est de briser l’axe de la résistance, ce qui explique la ténacité des institutions syriennes, notamment son armée.
Pour finir et selon Wikileaks et le Washington Post des opposants syriens ont commencé à être financés depuis 2005 par l’administration Bush.
Quelque part sur cette terre
Noura
1 Cité par CHAMY André, L’Iran, la Syrie et le Liban l’axe de l’espoir, les Editions du Panthéon, p.185
2 op.cit p.186