Syrie : Les Droits de l’Homme à la carte

Les Nations Unies ainsi qu’un bon nombre de dirigeants occidentaux relayés par des médias de grande audience ont martelé à toutes les heures de la journée qu’une crise humanitaire est en train de se produire dans les quartiers est d’Alep lorsque l’armée syrienne était en phase de remporter une grande victoire stratégique.

Ce n’est pas un tort de s’inquiéter du sort des civils dans les quartiers est d’Alep. Cependant, ce qui est également inquiétant est le sort des populations civiles sur tout le territoire syrien à cause de la guerre. La manipulation des Droits de l’Homme selon les intérêts de certains gouvernements souhaitant protéger leurs mercenaires, et autres sous-traitants sur place est aussi préoccupante.

Quelques humanistes français et européens suivent aveuglement certains médias de masse qui ne font que les dépouiller de tout esprit critique ainsi et du bon sens. Toutefois, ces mêmes médias à qui les humanistes européens donnent du crédit leurs occultent l’essentiel de ce qu’il se passe en Syrie. La propagande médiatique au nom de la protection des civils, au nom des Droits de l’Homme ne souffle pas un mot sur la détresse que vivent depuis deux ans les habitants de Foua et Kefraya, deux localités syriennes dans la région d’Idlib.

Les défenseurs des Droits de l’Homme se sont insurgés pour sauver les civils de l’est d’Alep. Mais au moment où la propagande était à son apogée, il ne restait qu’une poignée de combattants syriens et étrangers venant en Syrie avec leurs familles pour rétablir le nouveau Califat. Ces derniers ont été évacués par l’armée syrienne.

En revanche, les civils d’Alep ouest, de Foua et Kefraya et du reste de la Syrie ne méritent pas aux yeux des adeptes des Droits de l’Homme français et européens de se pencher sur leur cas. Ont-ils moins de dignité que ceux d’Alep est qui sont sortis massivement vers les régions contrôlées par l’Etat syrien fêtant la victoire de l’armée syrienne ? Une certaine malhonnêteté médiatique s’est installée depuis le début de la crise syrienne mettant l’éclairage sur des situations humaines qui dans le fond ne servent que les intérêts stratégiques des impérialo-sionistes. Certainement le sort des civils des quartiers est d’Alep était à déplorer, notamment lorsque les combattants les ont pris comme bouclier humain, allant jusqu’à exécuter toutes personnes essayant de fuir .

Foua et Kefraya deux localités peuplées de syriens chiites se situent dans la région d’Idlib. Pour Ghanya Dergham journaliste syrienne : « Les deux villages sont encerclés depuis le 29 mars 2015, par des groupes terroristes appartenant à l’organisation Jaych Al-Cham pratiquants envers les habitants toutes les exactions, les privant de leurs droits les plus élémentaires, coupant l’eau, l’électricité et interdisant l’entrée des secours et le ravitaillement en médicaments, bombardant quotidiennement les deux villages par plusieurs sortes d’obus artisanaux et de missiles de toutes sortes. » Il convient de préciser que les châteaux d’eaux sont également bombardés et des enfants meurent de faim et de soif.

Il existe à Foua et Kefraya environ 50 000 civils soumis aux pires des blocus. Lorsque les populations sont ravitaillées en avion par l’armée syrienne, les combattants tirent sur les parachutes pour détruire leurs contenus. Ces derniers ont également mis hors d’utilisation les champs agricoles par un bombardement massif de toutes sortes de mortiers, sans oublier ainsi les snipers embusqués afin d’empêcher les agriculteurs d’exploiter leurs champs.
A Foua et Kefraya des blessés attendent la mort par manque de soins. L’hôpital central a été détruit sur la tête de ses pensionnaires. Néanmoins, rares sont les journalistes français et européens qui parlent de ce problème, tandis que les hôpitaux d’Alep transformés en stock d’armes suscitaient toutes les indignations lorsqu’ils ont été bombardés.
Majed Hatmi journaliste syrien précise : « Les terroristes ont bombardé les habitations civiles, les écoles, les mosquées, les hôpitaux, les champs cultivables, avec des mortiers et des obus de toutes sortes, les mettant hors d’état de fonctionner. Tandis que les snipers tirent sur les bétails afin d’empêcher les habitants de les exploiter. »

Les Droits de l’Homme sont-ils sélectifs ? S’appliquent à la carte et selon les intérêts stratégiques de certains pays ? Ont-ils perdu leur universalité ?

Du moment que les Droits de l’Homme sont applicables pour un groupe d’humain et non pas pour un autre, cela signifie que quelques humanitaires dévoués manipulent ce concept avec les opinions publiques. Quant à certains champions de la liberté absolue, dont la liberté religieuse fait partie, ils savent pertinemment que le seul crime des habitants de Foua et Kefraya est leur appartenance à l’Islam chiite .

Les témoignages donnés lors de l’émission intitulée La Terre diffusée sur la chaîne Al-Mayadeen montrent que ce sont les habitants de Foua et Kefraya qui défendent les territoires contre les assaillants et lorsque les combattants laissent des convois humanitaires entrer dans les deux villages après avoir obtenu des contreparties de l’Etat syrien, ils confisquent les contenus essentiels au bon fonctionnement des médicaments, des vaccins ou des poches de sang destinées aux blessés, ce qui en rend l’usage impossible. Néanmoins, ces convois humanitaires sont acheminés sous la surveillance des Nations Unies.

Enfin, pourquoi les amoureux des Droits de l’Homme ne s’intéressent-ils pas aux supplices qu’endurent les civils de Foua et de Kefraya, et tout le peuple syrien privé des moindres droits lui permettant de vivre décemment et dignement ?

Antoine Charpentier

Syrie : Une propagande médiatique mensongère

Depuis six ans, les médias de masse au service d’un impérialisme outrancier soumettent les opinions publiques occidentales à une propagande médiatique prenant la forme d’une dictature intellectuelle. L’histoire regorge d’exemples de personnes qui, malgré la dictature physique, tentaient de défendre avec acharnement leur liberté de penser. De nos jours, les masses, notamment occidentales, sont soumises physiquement et intellectuellement au nom de la Liberté, des Droits de l’Homme et de la Démocratie. Actuellement le corps, l’âme et l’esprit occidentaux sont piégés par des dirigeants ne voyant dans leurs peuples que des serviteurs de leurs intérêts les plus particuliers.
Croyez-vous que la propagande menée aujourd’hui par une partie des médias occidentaux contre la Russie et la Syrie ainsi que la guerre menée dans ce pays servent les peuples occidentaux, mobilisés psychologiquement et émotionnellement par une terreur répandue par tous les moyens de communications ? Quels sont les intérêts des peuples occidentaux dans tout cela ?
La propagande que subissent actuellement les opinions publiques occidentales est équivalente à celle qui a précédé l’attaque de l’Irak en 2003. Le scénario est toujours le même. Lorsque les impérialistes ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs, ils enclenchent une énorme campagne médiatique afin de justifier la démolition d’un pays, sans manquer par la suite de s’excuser de s’être trompés, comme ce fut le cas en Irak, qui depuis n’arrive plus à se reconstruire.
Le scénario de la campagne médiatique mensongère et outrancière de 2003 en Irak se reproduit aujourd’hui en Syrie. Il convient de préciser que dans Alep, il n’y a pas que les quartiers Est où se trouvent 250 000 personnes dont environ quatre mille terroristes. Les civils d’Alep Est font tout leur possible pour rejoindre les quartiers d’Alep Ouest et nul mouvement de civils n’a été détecté dans le sens inverse. La question doit être posée : pourquoi les civils s’efforcent-ils de sortir de la zone des rebelles modérés pour aller dans les zones d’un président, d’un système politique défini depuis six ans par la propagande médiatique comme une dictature sanguinaire ? Vraiment ces Syriens ont des excès de masochisme incompréhensible.
C’est cette image depuis six ans d’un président qui a été élu démocratiquement par suffrage universel que véhiculent les médias de masse occidentaux. Cependant, la Syrie n’est pas uniquement un homme, mais aussi des institutions, une armée, un peuple, un modèle de vivre ensemble, une forme de laïcité et d’autonomie.
La propagande occidentale oublie volontairement d’informer que les snipers des rebelles modérés tirent sans scrupules sur les civils qui tentent de sortir d’Alep Est, alors que l’armée syrienne avance vers eux. La propagande mensongère peut-elle nous éclairer sur qui prend réellement les civils comme bouclier humain ?
Toutefois, la propagande médiatique ignore volontairement le sort de presque un million et demi de Syriens à Alep Ouest, qui subissent quotidiennement les bombardements des soi-disant rebelles modérés. Ces bombardements causent tous les jours la mort de femmes et des enfants que les adeptes et les manipulateurs du concept des Droits de l’Homme refusent de voir et d’en parler. Uniquement car cela ne sert pas leurs intérêts stratégiques. Ceci est un bon exemple qui révèle comment la propagande médiatique assassine les Syriens soit en les ignorant de manière volontaire, les abandonnant à la merci des terroristes, soit en exploitant leurs morts pour émouvoir les opinions publiques et justifier une guerre qui ne sert qu’à remplir les poches de certains.
Les peuples occidentaux n’ont que les retombées négatives dues aux guerres que leurs dirigeants mènent dans le Monde. Quant au concept des Droits de l’Homme, il est devenu, dans la pensée impérialiste, une manipulation politique au service de la pensée unique et de la soumission d’autrui. Les illusionnistes des Droits de l’Homme ne s’émeuvent pas face aux morts d’Alep Ouest tués par les terroristes. Pour eux, les habitants d’Alep Ouest sont moins humains que les autres puisqu’ils vivent dans les régions de l’Etat syrien. Voilà comment les amoureux de la Démocratie trient les gens.
Enfin, que penserait l’Occident si les rebelles modérés l’attaquaient de la même façon que la Syrie ? Dans ce cas, ils deviendraient subitement des terroristes et les opinions publiques, telles des girouettes, changeraient leur mode de réflexions. Quelle aberration ! Ils se disent tous manipulés par les médias, mais ils les croient lorsque l’émotionnel est mobilisé. L’Occident se sert de ces mercenaires pour dominer le monde extérieur à ses frontières tandis qu’avec la propagande médiatique mensongère, il s’emploie à dominer celles et ceux qui sont à l’intérieur de ses frontières.
Toutefois, une partie de l’establishment occidental a prouvé en Syrie qu’elle ne supporte pas le langage de la Démocratie, de la Liberté qu’elle ne cesse de prêcher, ni les solutions politiques. Certains dirigeants occidentaux ne connaissent que l’expression de la guerre. Mais actuellement ce sont les derniers mots que l’impérialisme est en train de prononcer dans ce jargon.

Antoine Charpentier

Syrie : Entre échec de la trêve et début de la fin ?

Sept jours étaient nécessaires pour que l’accord russo-américain soit effectif en Syrie. Après plusieurs violations de la trêve par les groupes armés à Alep, ce sont les Etats-Unis qui ont volontairement bombardé l’armée syrienne à Deir El-Zor permettant à Daech d’avancer sur ce terrain. Une erreur, prétendent les Américains. Quel naïf peut croire une chose pareille ?

Qui peut croire qu’une des plus puissantes aviations au monde, une des mieux équipées se trompe de cible en bombardant avec quatre avions de chasse et pendant une heure les positions de l’armée arabe syrienne au lieu de celle de Daech ? Si bombarder les positions de Daech était la volonté des Américains, pourquoi ces derniers n’ont-ils pas attendu tout simplement le septième jour ? C’est-à-dire le lendemain de cette agression cruelle contre l’armée syrienne ? Pour la porte-parole de la présidence syrienne Bouthaina Chaaban : « Si c’était vrai que les Américains ont fait une erreur, ils ne sont pas pour autant retournés pour bombarder les mêmes positions lorsque Daech les a reprises à l’armée syrienne. »1

Il convient de préciser qu’au moment même où l’aviation américaine bombardait les positions de l’armée syrienne à Deir El-Zor au profit de Daech, Israël bombardait le sud de la Syrie au profit d’Al-Nosra et la Turquie opérait au nord syrien au profit de l’armée syrienne libre. Trois acteurs pour le même projet en Syrie. La création de plusieurs zones isolées amputant la Syrie de ses territoires.

Les Etats-Unis s’opposent encore et toujours aux révélations du contenu de leur accord avec la Russie. De telles divulgations nuisent gravement à la réputation des Etats-Unis notamment auprès de ses alliés au Moyen-Orient, montrant leur double jeu.  Les Américains et leurs alliés ont tenté, par l’opération contre l’armée syrienne, de rebattre les cartes au profit des terroristes, mettant fin à la trêve. Toutefois, les Américains préfèrent perdre la guerre en Syrie en essayant de la prolonger le plus possible à travers leurs mercenaires, plutôt que de la perdre en appliquant l’accord conclu avec les Russes, ce qui signifie pour eux un abaissement pur et simple face à la Russie.

De ce fait, nous comprenons à travers les agissements des Américains que la guerre en Syrie n’est pas encore terminée. L’irresponsabilité et les manœuvres des Américains vis-à-vis des Syriens et des Russes ainsi que de leurs alliés risquent de transformer la guerre syrienne en conflit régional, voire mondial.

L’idée d’une erreur est toujours répandue par la diplomatie américaine à chaque fois qu’il faut justifier une bavure. Ce fut à titre d’exemple le cas en Irak en 2003.

Les Américains ont offert l’opportunité aux Syriens et aux Russes d’en finir avec la situation à Alep remportant enfin la victoire. Ce qui mettra en grande difficulté les Etats-Unis et leurs alliés, qui risqueront de quitter pour de bon, le champ de bataille en vaincus.

Enfin, les temps semblent durs pour l’axe que représentent les Etats-Unis en Syrie. Alep va probablement être reprise, les réconciliations dans différentes localités syriennes fonctionnent correctement et les combattants quittent les lieux sans conditions en direction d’Idlib. Israël ne peut pas aller plus loin dans le sud de la Syrie puisqu’elle risque de se frotter à un adversaire de taille, le Hezbollah. Quant aux Turcs, ils reviendront à la raison scellant de nouveau une alliance d’intérêt avec Damas pour faire face aux Kurdes et aux Américains.

Que nous le voulions ou non, l’armée arabe syrienne était la seule à respecter la trêve. La Russie est la seule à chercher depuis six ans une solution politique à la guerre syrienne, respectant la souveraineté de la Syrie ainsi que la volonté de son peuple. Il est certain que la Russie a des intérêts en Syrie et au Moyen-Orient. Croire le contraire relève d’une naïveté injustifiable. Néanmoins, les intérêts russes n’empiètent pas, au moins en apparence, sur l’indépendance d’une nation, sur la souveraineté d’un territoire, sur la volonté d’un peuple, bafouant tous les droits légaux pour importer une démocratie à coup d’obus, à l’instar de ceux qui importent une interprétation religieuse par l’épée. La seule différence est uniquement l’arme utilisée.

Par leur soi-disant erreur, les Etats-Unis ont en quelque sorte libéré l’armée syrienne et ses alliés d’un certain nombre d’obligations, au profit d’une victoire à venir à Alep. Cela va permettre l’accélération des opérations au détriment d’une solution politique que les Etats-Unis seront tôt ou tard contraints d’accepter, de signer et de mettre en application.

Antoine Charpentier | 29 septembre 2016

Le Liban connaît la plus longue vacance présidentielle depuis son indépendance en 1943

Depuis le 25 mai 2014, date de la fin du mandat présidentiel de Michel Sleiman, le Liban n’a plus de Président de la République

Le Liban connaît la plus longue vacance présidentielle depuis son indépendance en 1943. Quarante-deux tentatives n’ont pas permis l’élection d’un nouveau président de la République.

Pour élire le chef de l’Etat, la Constitution libanaise exige un quorum de 86 députés sur 128, ou une majorité absolue de 64 députés. Quant au Pacte National[1], qui répartit le pouvoir entre les différentes communautés religieuses, il précise que le président de la République doit être absolument chrétien de confession maronite. Le Liban vit actuellement une période compliquée de son histoire moderne. Les libanais évoluent dans un contexte politique régional très tendu, avec une guerre interminable en Syrie voisine, et un flux de réfugiés sans précédent[2].

Les chrétiens du Liban, à l’exemple des autres chrétiens au Moyen-Orient, se sentent actuellement en danger. De ce fait les élections présidentielles constituent pour eux un enjeu politique majeur. Hiam, jeune libanaise appartenant au Courant patriotique libre affirme que : « L’arrivée d’un président fort comme le Général Michel Aoun favoriserait au moins un redressement moral et psychologique des chrétiens libanais ». Tandis qu’Elie aussi chrétien proche de la coalition dite du 14 mars pense que «le Général Aoun n’a que des ambitions personnelles, mais actuellement il y a un consensus autour de sa personne ». Toutefois, l’élections du Général Michel Aoun à la présidence de la République n’améliorera pas les choses du jour au lendemain. Malgré le consensus apparent sur la personne du Général ce dernier va-t-il être réellement élu ? C’est dans cela que demeure la question que beaucoup des libanais se posent[3] ? Mais, une chose est sûre : les chrétiens du Liban ne souhaitent pas voir la présidence de la République leur échapper.

Le feuilleton des élections présidentielles libanaises devient de plus en plus complexe avec la candidature de l’ancien ministre Sleimane Frangié. Ce dernier est un allié de longue date du Général Michel Aoun, faisant partie de son bloc parlementaire « Réforme et Changement ». Carole, militante du parti Marada présidé par Sleiman Frangiè, trouve une cohérence dans la candidature de ce dernier à la présidence de la République, de par sa forte popularité notamment dans le nord du Liban ainsi que son héritage politique[4]. Mais nombreux sont les chrétiens qui trouvent dans la candidature de l’ancien ministre une trahison envers le Général puisque lui-même réfutait dans un passé proche l’idée de se présenter comme candidat tant qu’Aoun est dans la course[5].

Après avoir amadoué Michel Aoun, Saad Hariri, président du parti Futur fidèle allié à l’Arabie Saoudite et considéré comme son premier relais au Liban, a courtisé Sleiman Frangié afin que ses parrains saoudiens puissent à travers son parti influencer le processus présidentiel au Liban.[6] En définitif, Michel Aoun n’est pas un candidat du système tandis que Sleiman Frangiè a été à plusieurs reprises depuis la fin de la guerre au Liban ministre, notamment sous la gouvernance de Hariri-père assassiné en 2005.

Aucune donne politique ne garantit que toutes les solutions vont être trouvées lorsque le président de la Républiques sera élu. Les accords de Taëf [7] de 1989 ont enlevé une grande partie des prérogatives au président de la République libanaise, le seul chrétien sur les 22 pays de la Ligue arabe, au profit du premier ministre sunnite de confession. Néanmoins, pour beaucoup de chrétiens du Pays des Cèdres, la présidence de la République conditionne en partie leur participation à la vie politique libanaise.

Tandis que les deux anciens alliés Aoun et Frangié s’affrontent, un autre leader chrétien, Samir Geagea chef des Forces libanaises longtemps opposé à l’un comme à l’autre, soutient désormais depuis le 18 janvier 2016 la candidature du général Aoun à la présidence de la République. Il y a aujourd’hui au Liban une opportunité d’avoir un candidat de la coalition dite du 8 mars dont le Hezbollah et plusieurs forces d’opposition font partie. Mais à force d’opposition inopportune des deux candidats cités, cette occasion pourrait s’envoler à jamais. Une question qui mérite d’être posée est pourquoi Sleiman Frangié allié du Général Aoun lui livre-t-il ce duel, tandis qu’il prône les mêmes idées que le Général, et défend le même projet politique ?

Il est regrettable que les discussions menées en ce moment par les différentes forces politiques aient pour objet la personne du prochain président et non pas son programme. Le processus politique est faussé du moment que les partis s’accordent sur le nom d’un candidat et vont ensuite au parlement pour l’élire. Mais ce n’est pas la seule entorse que les politiciens libanais font à la Démocratie. Le peuple libanais demeure sans voix, il n’a pas son mot à dire dans l’élection de son président, malgré les suggestions faites par de nombreux responsables politiques, afin de prendre en compte la volonté du peuple en organisant un référendum populaire, où chrétiens et musulmans choisiraient un président parmi les candidats chrétiens, respectant le Pacte national, cité plus haut.[8] Cette idée nouvelle et unique dans son genre a été désavouée en premier lieu par des hommes politiques chrétiens.

Une autre théorie aussi avancée par un bon nombre de responsables politiques libanais serait d’organiser des élections législatives, afin que le peuple choisisse ses représentants et que ces derniers élisent un président. Les enjeux d’une telle proposition sont multiples. Les mêmes politiciens craignant le suffrage universel multiconfessionnel contestent l’idée des élections législatives puisqu’elles ne servent ni leurs intérêts, ni celles de leurs parrains au Liban. Le refus d’organiser des élections législatives signifie qu’une partie des politiciens libanais redoutent la volonté du peuple et ne souhaitent pas entendre ce qu’il a à dire.

L’inquiétude des chrétiens au Liban résulte de ces manœuvres qui pour beaucoup d’entre eux n’ont qu’un but : les mettre sous tutelle en influençant d’une façon ou d’une autre l’élection d’un président de la République faible et sans appui populaire.

Enfin, le manque de capacité du parlement libanais à élire un président révèle la décomposition des institutions politiques libanaises. Les chrétiens libanais espèrent beaucoup du prochain président de la République, qui tarde à être élu.

Antoine Charpentier | 5 août 2016

[1] Le Pacte National permet une répartition confessionnelle de l’exécutif.

[2] Environ deux millions de réfugiés syriens sur quatre millions d’autochtones sur un territoire de 10 000 km2

[3] La prochaine séance d’élections aura lieu le lundi 8 août.

[4] Le grand père de l’ancien ministre fut président de la République de 1970 à 1976.

[5] Extrait d’un entretien télévisé de l’ancien ministre Sleiman Frangié avec le journaliste Jean Aziz sur la chaîne OTV affirmant qu’il ne présentera pas sa candidature à l’élection présidentielle tant que Michel Aoun est candidat et encore moins contre lui. Extrait en arabe posté sur YouTube le 2 février 2016 https://www.youtube.com/watch?v=j35ciE4rKDE&feature=share

[6] Il convient de préciser que M. Hariri est actuellement en faillite financière, d’où vient aussi son insistance à trouver un candidat à la présidentielle qui accepterait de faire de lui un premier ministre une fois élu. Le blocage du processus électoral de la part de Saad Hariri laisse penser que cela concerne d’avantage sa personne que l’élection en elle-même.

[7] Cet accord a été signé le 22 octobre 1989, par les députés libanais à Taëf en Arabie-Saoudite mettant terme à 20 ans de guerre.

[8] Cette proposition a été émise à une époque par Sayyed Hassan Nasrallah secrétaire général du Hezbollah.

ENTRE COUP D’ETAT RATE ET SCENARIO PREVU, LA TURQUIE SUR LE FIL DU RASOIR.

 

Le 15 juillet le monde entier a retenu son souffle face au coup d’Etat qui se déroulait en Turquie. Nombreuses sont les personnes qui se sont précipitées soit pour fêter la nouvelle, soit pour dénoncer l’événement. Mais que s’est-il passé en Turquie le 15 juillet dernier ? Et où va la Turquie après ce coup d’État raté ?

Nombreuses sont les versions et les rumeurs à propos de ce coup d’État raté en Turquie le 15 juillet. Certains veulent voir absolument une implication américaine. D’autres une manœuvre russe ou un vrai putsch en réaction à la politique menée par le président Recep Tayyeb Erdogan. Si le scénario d’une éventuelle implication américaine se confirme, cela signifie que ces derniers ont réalisé une manœuvre « d’une pierre deux coups ,» dans la mesure  où ils auraient piégé les militaires, les poussant au coup d’État sachant qu’ils allaient les lâcher au milieu du chemin. S’il s’avère vrai, ce scénario de coup d’Etat permet aux américains de se débarrasser des risques d’une dictature militaire qui était prévisible depuis un moment en Turquie. D’un autre côté, les américains donnent l’illusion à Erdogan de le sauver tout en l’affaiblissant, puisqu’il devient ingérable comme allié, notamment dans le dossier syrien, sachant qu’américains et russes sont parvenus à un compromis dans l’affaire syrienne. Au moins une chose est sûre, un tel événement ne peut avoir lieu sans que les américains et les russes soient un minimum au courant. Est-ce que les deux ennemis/alliés ont joué encore une fois aux jeux de rapports de force/compromis à propos de la Turquie ? Il demeure utile de poser la question sur les éventuelles concessions et garanties que le président Erdogan a donné aux uns et aux autres pour se maintenir au pouvoir. Enfin, les discours houleux du président turc envers les Etats-Unis ne constituent qu’une opération de communication à destination de ses partisans radicaux et conservateurs. N’oublions tout de même pas que la Turquie est membre de l’OTAN.

Quant à la théorie qui consiste de dire que c’est le président Erdogan qui a commandité le coup d’État, elle est plausible à une période où le président turc se trouve en grande difficulté sur le plan extérieur et intérieur. Si nous croyons le Washington Post, ce journal a publié un article en date du 7 avril 2016 qui indiquait qu’Erdogan était en train de préparer un coup d’Etat afin d’asseoir de plus en plus son pouvoir éliminant ses opposants. Néanmoins, nous croyons qu’il y avait un réel coup d’Etat. Erdogan a été mis au courant par ses services, mais il n’avait pas le choix que de laisser faire le coup d’Etat, en le précipitant, détournant la chose à son profit. Selon le professeur d’histoire et de langue turque à l’université libanaise, Mohamad Nour El Dine, la précipitation du putsch a eu lieu puisque le lendemain, c’est-à-dire le 16 juillet au matin, les services secrets turcs, le haut commandement de l’armée ainsi que la justice allait arrêter et condamner tous les futurs putschistes.  De ce fait, nous comprenons pourquoi ces derniers à l’inverse de tous les coups d’Etat dans le monde ont arrêté le chef de l’armée, celui de la gendarmerie et non pas les autorités politiques civiles. Probablement les putschistes espéraient par ces arrestations de leurs supérieurs que ces derniers finissent par se rallier à eux. Mais apparemment leur refus a constitué une raison parmi d’autres expliquant l’échec du coup d’Etat du 15 juillet. Dans cette configuration les putschistes n’avaient également pas le choix que d’aller jusqu’au bout du processus espérant des ralliements dans d’autres villes qu’à Istanbul ou Ankara. Il convient de préciser que le coup d’Etat raté va permettre à Erdogan d’éliminer ses opposants, de renforcer sa base populaire, de profiter de l’occasion pour tenter encore une fois l’instauration d’un régime présidentielle absolue et à vie, modifiant la Constitution turque. Mais la folie des grandeurs d’Erdogan risque de l’isoler à cause de son absolutisme islamiste et radical ainsi qu’en raison de sa politique ultra-répressive. Certes pour le moment le monde notamment l’Occident ferme les yeux sur ce qu’il se passe en Turquie, mais nous croyons qu’à un moment donné de cette dérive erdoganiste, les voix vont se lever, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Turquie, ce qui va devenir un fait accompli de pousser le président turc vers la sortie. Puisque le risque est de ne pas uniquement purger le système des opposants, surtout d’après les purges en cours, l’opposition à Erdogan a une définition très large et ambiguë.

Le maintien au pouvoir du président turc face à une tentative de coup d’Etat risque de renforcer la pensée et les pratiques des islamistes radicaux dans un pays où environ 10% de la population soutiennent les factions comme Daech ou Al-Nosra opérant en Syrie voisine. Le pouvoir va être donné aux islamistes au détriment des institutions étatiques comme la justice et l’armée, ainsi qu’au détriment des laïcs ? Cela risque de fragmenter encore plus la société turque, menant à de graves conflits internes, nuisant à l’image de la Turquie dans le monde. Mais, il suffit de faire le bilan des islamistes qui ont pris le pouvoir au Moyen-Orient notamment suite au printemps arabe pour deviner la suite d’une telle politique. Erdogan a ouvertement affiché sa volonté de nettoyer l’armée des éléments suspects. Ce qui signifie que les purges vont s’accentuer au sein de l’armée, ce qui risque de l’affaiblir. Les prémices à cela commencent à être perçus par le quasi retrait des officiers de renseignements turcs ainsi que des conseillers militaires d’Alep. Quant à l’institution judiciaire, sa purge risque de donner plus de poids à une justice issue d’une quelconque interprétation sectaire.  Le champ est libre pour une justice des milices et des radicaux, cela a été vu la nuit même du putsch où des individus ont châtié des soldats turcs, voir décapité carrément un militaire, sans être inquiétés. De toute façon les conséquences vont être désastreuses sur la Turquie qui est en train d’entamer en ce moment sa régression. Cependant la situation actuelle de la Turquie peut servir Erdogan à détourner l’attention des conservateurs musulmans ses premiers partisans au sujet de sa réconciliation avec Israël. Enfin, si Erdogan réclame la tête de son maître de pensée le conservateur Gülen, c’est éventuellement pour régner seul sans concurrent sur le secteur des islamistes ultra-conservateurs.

 Erdogan est en train d’installer une dictature islamique ultra-conservatrice aux portes de l’Europe. Cela ne dérange pas les démocrates occidentaux, tant que le président turc reste au-dessous de l’idée de rétablir la peine de mort. L’Occident démocrate ne s’aperçoit pas de ce qu’il se passe en Turquie, mais il s’emploie depuis 5 ans à montrer que Bachar Al-Assad président de l’Etat syrien arabe et laïc, qui était en voie de modernisation comme dictateur. Lui qui n’a jamais osé faire ce qu’Erdogan fait en ce moment en Turquie. Il y a eu des erreurs de gestion dans la crise en Syrie, comme il peut en avoir de partout dans le monde, dans une situation de guerre extrêmement difficile. Les occidentaux n’ont cessé d’en profiter et ainsi montrer le président syrien comme un dictateur réprimant et tuant son peuple. Mais, un autre qui purge son pays arrêtant pour le moment environ 15 milles personnes, passe inaperçu. Quelle ironie… L’Occident ne voit pas la volonté expansionniste d’Erdogan et son rêve ottoman, mais se focalise sur l’expansion de l’Iran qui pour le moment n’a prêché pour aucun empire quelconque. Mais si les occidentaux se lève contre Erdogan pour la peine de mort, c’est uniquement parce qu’ils ne peuvent plus par la suite justifier auprès de leurs opinions publics leurs alliances avec un tel régime. Finalement rien n’empêche aux dirigeants occidentaux qui excellent dans le domaine de l’hypocrisie de souhaiter dans leur for-intérieur qu’Erdogan rétablit la peine de mort, pour trouver l’ultime prétexte à arrêter nette les négociations de l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. De ce fait, nous ne croyons pas qu’ Erdogan remettra en place la peine de mort, à moins d’un coup de folie, mais ce n’est pas cela qui manque en ce moment en Turquie.

Mais, qui est le peuple turc qui est descendu dans les rues pour défendre la Démocratie ? Quelle définition a t-il de cette dernière ? Si nous croyons Bahar Kimoygün journaliste turc, les manifestants de la Démocratie sont des islamistes et des activistes d’extrême droite. Est-ce que ces partis représentent à eux seuls la totalité du peuple turc ? Enfin, faire des partis cités des représentants officiels de la totalité du peuple turc, ne signifie-t-il pas, prendre ce dernier en otage, dans la mesure qu’ils ne sont pas tout le peuple ?

A croire certaines rumeurs les listes des opposants ont été établies peut avant le coup d’Etat. Sinon comment justifier sérieusement les arrestations massives au lendemain d’un coup d’Etat raté, sans la moindre enquête de la part du pouvoir en place. Il y a des milliers et de milliers de fonctionnaires de tous les secteurs et les échelons démis de leurs fonctions. Si tous ces individus étaient vraiment impliqués dans le coup d’Etat, certainement ce dernier aurait réussi. D’où l’hérésie d’Erdogan qui risque de former contre lui une vraie société opposante dans le fond, la pensée et la pratique.

La situation actuelle en Turquie risque aussi de détourner Erdogan pour quelque temps de la Syrie. A-t ’il négocié une sortie à l’amiable du conflit syrien à partir de ce coup d’Etat raté, sachant qu’en Syrie sa partie s’avère perdue ?

Enfin, Erdogan s’engage dans une voie sans issue, dans un mode de pensée d’autre temps, dans un repli identitaire. Le retour du président turc sur l’histoire précisément sur la période ottomane est très risqué dans un monde ultra développé, moderne et mondialisé, dans une société telle que la société turque, une des plus moderne au Moyen-Orient. Comme le dit bien le journaliste chercheur et écrivain libanais Fayssal Jaloul, la Turquie à l’image du Japon et de l’Allemagne n’est pas permise de réinstaurer à nouveau son empire. Dans une telle configuration Erdogan risque de régner qu’un temps. Enfin, il demeure difficile de définir qui en premier entre le président turc et les militaires a déclenché un coup d’Etat en Turquie. Est-ce que c’est le président Erdogan avec sa politique islamiste, absolutiste ou les militaires qui agissent en réaction à cette politique tout en se battants sur les ordres du président turc notamment en Syrie.

Antoine Charpentier